Apprenez-lui l'Anglais s'il-vous-plaît.

« Apprenez-lui l'Anglais s'il-vous-plaît. Nous n'avons pas de terre. Nous ne sommes que des ouvriers. Et je ne veux qu'une chose pour ma fille, c'est qu'elle ne le devienne pas. »

Pour les workshops, nous prenons le temps de visiter chaque parents, de leur en dire un peu plus sur notre projet, ce que leurs enfants y apprennent. Aujourd'hui, c'est le tour de Soknart, une des petites de notre équipe. Nous nous rendons sur le lieu de travail des parents. Il n'y a pas un lit. Ils n'ont pas un sous. Je prends alors du temps à comprendre que ce n'est pas qu'un lieu de travail mais qu'ils y dorment aussi. Cela me peine. Cela me peine de voir des travailleurs si pauvres. Son père m'accueille d'une gentillesse rare. Il m'explique que nous sommes frère et sœur. Que je dois l'appeler frère et qu'il m'appellera sœur. Il me raconte aussi que si sa fille fait mal, si sa fille se comporte mal, il me donne l'autorisation de la punir. Il l'aime sa fille. 

Puis dans ces paroles si fortes, il parle de sa pauvreté. Dans son khmer s'en suit alors l'évocation de l'anglais, d'un apprentissage. Dalin traduit. Il me demande si j'accepterais de l'aider, de mettre en place des leçons de communication pour que Soknart pratique, pour que Soknart s'en sorte. Cette langue, c'est pour elle une issue. Il n'espère qu'une chose : qu'elle puisse échapper à la misère familiale. Cette enfant n'a que douze ans et elle a pourtant le corps si petit. Lorsqu'il me parle, j'ai alors l'image de Soknart qui travaille, de son si petit corps qui peut-être ne grandira plus. Et je me dis que ce n'est pas possible, que ce n'est pas possible d'être dans un monde si dur. Et l'envie me vient de pleurer mais je ne pleure pas. Je me tais. Le père est fort alors à moi de l'être !

« Oui »